je n’ai pas peur des clichés

The Crown, découvrir la romance entre Margaret et Peter Townsend. Je retrouve dans la bibliothèque le livre que ma cousine m’a donné il y a deux ans, recouvert d’un papier jauni avec une note de ma grand-mère, ce livre m’a été confié par Roland et je l’ai conservé précieusement ; le parcours de temps à autre. Je ne l’ai pas lu, récit d’un tour du monde accompli par Townsend à un tournant de sa vie (après la rupture avec Margaret). Ça me semble mal écrit, certainement mal traduit, mais il y a cette dédicace dont je m’enorgueillis bêtement, et les quelques scènes de voltige dans la série me font imaginer un instant que ces deux là ont volé ensemble.

Récréation professionnelle, je conçois un espace miniature dans le cadre d’un challenge, le thème ma safe place m’inspire d’évoquer Monk’s House, tout en utilisant le matériau produit par ma petite entreprise. J’ouvre mes boîtes, mes tiroirs, collecte des bricoles, fabrique des livres minuscules. Élaborer cet oloé (un mot créé par Anne Savelli, qui définit un lieu Où Lire Où Écrire) miniature me surexcite, peut-être parce que ça me détourne de tout ce que je pourrais nommer priorités.

À l’écran un plan de la lune, il me dit ça c’est un plan pour toi, on rit, sait-il quelle émotion j’ai chaque jour à la découvrir dans le ciel, qui reflète patiemment la lumière du soleil ?

Au moment de partir je ne trouve pas mon appareil photo, je retourne le salon, impossible de mettre la main dessus. Je me remémore les gestes de la veille, en boucle, la carte éjectée de l’ordinateur, insérée dans son logement, l’appareil dans la housse, la housse dans le sac, le sac dans le panier du Vélib, le retour. Paniquée à l’idée d’avoir oublié l’appareil dans le panier, est-ce que le sac n’était pas trop rempli, me souvenir de son poids sur l’épaule. Me reste le possible acte manqué, l’avoir oublié rue de Charonne. J’enfourche un Vélib, j’ai le temps d’imaginer la quête, d’inventer des raisons à cet oubli, de rédiger mentalement l’annonce que je publierai sur Facebook, s’il vous plait rendez-moi mes images, je fais l’inventaire de la carte mémoire dont je n’ai pas fait de sauvegarde depuis au moins trois mois. Je m’impose des gages, si je ne le retrouve pas j’arrête tout, si je le retrouve c’est champagne. Devant la porte de l’atelier mon cœur pèse dix tonnes. L’appareil est posé sur ma chaise rue de Charonne, oubli ou renoncement effacé de la veille, j’en pleure de joie, maudis mes excès, et prends la route de l’atelier de gravure.

J’ai croisé le regard de Mary Ann Hillier, et je voulais posséder ce regard, toute la défiance de son regard, alors je n’aurais plus besoin de marcher en faisant semblant d’être une autre, le menton relevé, lèvres scellés et sourcils relevés, dans la poche les doigts crispés sur un trousseau de clefs, les omoplates resserrées, j’aurais le regard de Mary Ann Hillier, je n’imposerais rien d’autre que son regard et ma gaucherie tenue depuis l’enfance.

L’émerveillement du blanc au réveil. Un vrai soleil avait pris place, on savait qu’il fallait se dépêcher si on voulait photographier la neige. Derrière moi des enfants, j’écoute le frottement de leur pas sur la neige, un simulacre de patinage que je me souviens avoir pratiqué dans l’enfance.

J’avais pourtant pris une bonne avance, la nuit efface mes pauvres repères, perdue dans l’enceinte de l’hôpital, rebrousser chemin, faire le tour en courant presque, ne comprenant même plus l’enchainement des rues, la crainte de devoir renoncer, quelques bonnes âmes me guident, ou me rassurent, ce n’est pas commencé. Très belle lecture de Philippe au cœur de la salle des moulages, à quelques mots de la fin des retardataires tambourinent furieusement au point d’effrayer une jeune auditrice, le public s’indigne à raison de leur violence, je garde pour moi ma petite compassion, ils se sont perdus eux aussi.

Je n’ai pas fermé les volets de la chambre de Nina, dans la nuit je me suis levée, c’était déjà la fin, par la fenêtre j’observe la rencontre du bleu et du rouge, ce sera la première réjouissance du jour, et non, je n’ai pas peur des clichés.

Publié par

caroline diaz

https://lesheurescreuses.net/

2 réflexions au sujet de “je n’ai pas peur des clichés”

Laisser un commentaire