nos plans sur la comète

Froid mordant qu’on n’attendait plus, j’ai une pensée pour les fleurs imprudentes. Au parc Montsouris, les mains frileuses, le Yashica trop lourd, je peine à prendre des photos. Les yeux aux ciel, premier quartier de lune.

Je prends mes billets pour Nice, Nina me dit la joie que ça lui fait, nous faisons chacune nos plans sur la comète, des marches sur le mont Boron, des cafés sur la plage, l’exploration de la Villa et le musée Matisse, empêchés la première fois, peut-être même découvrir le reflet de la Corse dans les basses couches d’air.

Une médium s’abonne à mon compte Instagram, elle se définit comme messagère spirituelle, vit au Québec. Peut-être que je parle un peu trop de mes fantômes. Insomnie. Sous le drap chercher son contact, sans le réveiller, cheville contre cheville, trouver l’apaisement dans ce peau à peau.

+4 degrés, et ce scénario ne serait pas le plus pessimiste. Sur le net découvrir un article, Pour refroidir la Terre, faut-il de la poussière de Lune ? Je ne lis pas la suite, la poésie du titre me suffit, même si ça ne lutte pas contre l’incertitude, se recroqueviller.

Sa main attrape mon col pour rapprocher nos visages, on dit à vélo. Ça me fait rire, et sa délicatesse de ne pas exposer la faute à tous me touche. Comment on en arrive à parler des tiroirs vides après la mort de ma mère, je ne sais plus, mais elle se souvient d’une grande jupe noire à fleurs que Pierrot lui avait léguée, tiens si je la retrouve dans mon déménagement je te la donnerais.

Nous avons diné près du poêle, il y avait des reflets rouges sur le canal. Depuis l’autre rive le quai était comme une scène étroite traversée par les joggeurs et des cyclistes. Je fais un plan, en pensant aux rushes qui s’accumulent sur la carte SD, et dont je ne fais rien.

R m’envoie les premières pistes pour la couverture de Comanche. Heureuse de l’évidence de la photographie que j’ai choisie. C’est bien la seule chose sur laquelle je n’ai jamais eu de doute, cette photo — sa beauté et son mystère—, ce sera la couverture. Plusieurs fois dans la journée je vais ouvrir le fichier et c’est une joie immense.

dans le silence démuni

Je lui envoie un texto pour savoir si elle dort non pourquoi ça te dit un café au soleil ? Le ciel était d’un bleu intense, le monde semblait encore normal mais me revenait quelque chose du 14 novembre, bloqué dans l’air froid.

Avec Philippe et Alice nous traversons le Jardin des plantes, tout Paris est là non ? La masse jaune du mimosa m’attire, sentir les vagues poudrées, anisées, observer longtemps les moucherons qui volent dans la lumière, j’envoie cette photo à Anne-Marie. Le lendemain elle m’écrit qu’elle était aussi au Jardin des plantes, nous aurions pu nous y croiser, elle a photographié des perruches amoureuses, elle dit que ça ne pèse pas lourd contre les bombes mais ça met le cœur en joie.

Catherine S m’écrit, à la lecture d’un fragment de Comanche où j’évoque la pellicule silencieuse alors que tu t’adresses au caméraman. Elle me suggère de faire appel au monde des sourds, que peut-être quelqu’un pourrait lire sur tes lèvres. Je suis très émue que sa pensée rencontre la mienne, j’avais silencieusement formulé l’idée, puis avais renoncé, tu dis peut-être trois mots, dans le contexte peut-être rien d’essentiel mais je ne veux rien écarter.

C’est comme un poids mort, poitrine lourde. On entend le mot sidération. Je pense à ces mots stupides qu’on nous balançait dans l’enfance, On voit que tu n’as pas connu la guerre. Je pense à mes morts, je ne me repose pas sur eux, je n’attends pas de réponse, pas de réconfort, je les fais me rejoindre. Sidération c’est quand mes morts me rejoignent, et que je peux lire l’incrédulité sur leurs visages.

Nous allons chez Dishny au prétexte de fêter l’anniversaire de Philippe, je découvre que la fresque de la plage sri-lankaise qui décorait la salle a disparu, Alice me dit que ça fait des mois, je sens monter une nostalgie sourde. Je ne peux m’empêcher de penser que cette plage va disparaître pour de vrai.

Cet amour du bleu, c’est nouveau, mais le bruit de la mer il y a longtemps que je l’aime.

N s’inquiète de la puissance de l’arme nucléaire russe, je lui dit qu’elle peut aussi lire le rapport du GIEC, je m’en veux aussitôt d’ironiser. M nous console, le prix d’un chocolat chaud à Guingamp est dérisoire. J’attends que le mat du ciel cède à la lumière, dans le silence démuni j’attends, je ferais bien de me taire.

au coin du feu

île d’Elbe, depuis Poretto le 4 août 2020

Je n’ai jamais lu Claude Simon. Je découvre via une vidéo de François Bon, Leçon de choses, j’écris à Philippe, je crois que c’est par ce titre que je voudrais commencer… pas trop gros… tu l’aurais ? Il me répond que oui, qu’il me le rapporte ce soir, Nous sommes enfermés (confinés) au SDE par mesure de sécurité suite à l’attaque rue Richard Lenoir près du siège de Charlie Hebdo. C’est un peu particulier. Comme nous sommes dans le même quartier je t’en parle. Je pense qu’il n’y a aucun danger, mais bon… Je me sentais flottante déjà depuis le matin, désœuvrée, là ça me file le vertige. Je crois qu’ils ont été arrêtés depuis du côté de Bastille. Attaque à l’arme blanche. Vivement ce week-end qu’on se retrouve avec un bon livre au coin du feu de notre cheminée 😉. Évidemment une cheminée on en a pas. Je fouille dans le disque dur, en quête d’une image réconfortante, et c’est l’île d’Elbe qui a surgit, telle que je l’ai découverte depuis le jardin d’Ugo cet été, de trois quart, alors que je ne l’avais vue que de face jusqu’alors. Le point est sur les palmiers qui forment le cadre,

au delà c’est légèrement flou.

streetball

Jesus Is Lord. La ville prétend toucher le ciel, sur le rooftop la jeunesse dorée en miroir, la découpe rectangulaire bleue piscine et Empire panorama avec DJ, en finir, plongeon puis surf entre brownstone et béton-verre, arc de triomphe de pacotille mais c’est dans la cage que ça se joue, ça joue sévère, rebondissements sur l’asphalte, cris, sueur, get that shit out of here, si tu préfères y a une partie d’échecs à côté.