Les vases communicants, épisode 3. Partage de ciels et de vagues avec Pierre Ménard.
l’obstination des vagues (images Pierre Ménard / texte et voix Caroline Diaz)
C’était le même voyage, le même retour. Sur la promenade l’herbe avait jauni. On revenait toujours au même endroit mais cet été serait peut-être une dernière fois. Malgré l’obstination des vagues. Malgré leurs caresses effervescentes. Malgré la mémoire des étés d’avant, l’estompe du ciel, la laisse de mer. Je te demandais pourquoi pas l’ennui, pourquoi pas le sable, pourquoi pas nos corps roulés comme les morceaux de verres dépolis trouvés sur la plage dont on lèche la surface pour faire apparaitre le brillant pour se saler la langue. Ce serait la dernière fois d’aller chaque soir voir le soleil répandre un or vif sur la mer, la dernière fois contempler l’horizon sous ciel d’août, guetter le rayon vert, les métamorphoses. Effacer les spectres comme le vieux la vieille leur chagrin de parents orphelins. Un secret, comme la mer avalée par le sable, comme la danse enjouée de feux follets.
On a été dans la vallée ce serait la dernière fois. On marchait à couvert on cherchait les odeurs d’humus. C’était feuilles mortes, caillasses éclaircies, partout on devinait la soif. La rivière n’était plus qu’un fantôme, un silence résigné. Les feux follets dansaient encore. En plein jour ils dansaient et tu en as saisi l’improbable magie. Une charge électrique comme un orage. On a entendu des voix, le désir des vagues. On est reparti vers la mer abattus par la soif de la vallée. Une silhouette brulée dans le contrejour, insistante comme une ombre. Un instant j’ai cru que c’était moi. J’ai filmé les tamaris sous le vent, ça m’a fait sourire d’avoir grandi avec ce nom à l’oreille. Longtemps ignorante que c’était ces ramures doucereuses j’ai fait semblant d’avoir toujours su — comme de savoir le nom de tous les arbres. La mer nous appelait, on avançait lentement vers la plage. On ne voulait pas froisser le sable. L’empreinte des vagues. On se laissait gonfler de nos bouffées d’enfance.
Et la vidéo de Pierre :