
Au retour de notre promenade dominicale nous traversons les Buttes Chaumont, je ne reviens pas sur mes pas pour photographier la dame avec le chien posé sur ses genoux, sa manière tendre de le tenir, son regard au loin, sa solitude qui ouvre des gouffres dans ma poitrine.
Il y a souvent, alors que je traverse la rue de la Roquette à vélo pour m’engouffrer rue de Lappe un parfum de chocolat dans l’air, c’est tellement délicieux que je l’écris ici.


La lecture d’Hêtre pourpre est une réjouissance, ça tient je crois à la densité de la langue. Reviennent quelques images/sensations de ma grand-mère, les tartines de beurre qu’elle saupoudrait de sucre au goûter, la comptine inventée, chantée fausse sur ces genoux, portraits de chacun de ses petits enfants en un mot, j’étais la neuvième, la petite dernière, affublée de la plus câline. Son corps épais, quelque chose de sa peau, molle et rassurante comme les beignets qu’elle confectionnait les jours de fête.

Mail de Anne D, demande pour ce texte particulier. Un texte écrit dans le cadre de son projet Le nom qu’on leur a donné, consacré aux résidences secondaires de ce bout de côte normande où j’ai grandi. Il se trouve que la maison qu’elle décrit s’appelle « Les Pierrots », il se trouve que cette maison précisément fait partie de mon paysage d’enfance, je sais déjà que je ne vais pas refuser. Je lis le texte à voix haute, mevoilà avec elle sur cette plage, au pied de la digue où se tient la maison, je veux qu’elle sache là, tout de suite, que c’est bien moi qui lirais ce texte, je lui téléphone, moi-qui-habituellement-déteste-le-téléphone.
C’est déjà la fin du mois et je n’ai filmé que le jour de la neige. Je m’arrête sur le pont Maria Casarès pour filmer la lumière de fin de journée sur le canal, je cadre, je sens une présence à ma gauche, c’est Piero, je commence à filmer tout en échangeant quelques mots, si bien que lorsque je regarde cette vidéo j’entends nos voix.


Au moment d’éteindre la lumière je redécouvre ma main, c’est une main étrangère, tordue et sèche, vieillie déjà, les muscles et veines déformés par l’éclairage fragile entre le lit et le petit chevet en bois peint. Est-ce vraiment là ma main ? Je m’endors brutalement.
En rentrant de chez mes amis, posé en équilibre sur la poubelle près des boites aux lettres, un livre de Rufo, Chacun cherche un père. Il faudrait être à l’écoute du moindre frémissement, il faudrait arrêter d’agir, noter même ces vétilles. Réarmer l’écriture ? Il y a dans mes nouvelles colères une forme d’enthousiasme et ça aussi devrait me réjouir. .

































