nous sommes des rêveurs, des rêveuses

Au bureau de vote, dans l’ancienne école des filles, où justement on croise les enfants devenus adultes, celle devenue mère, celui que je ne reconnais pas tout de suite. Marcher fatigue. Le soir les résultats attendus. Puis la stupeur. L’inquiétude nourrie. Nina m’écrit qu’elle a l’impression de vivre dans une dystopie. Je lis le dernier livre de Jane Sautière pour oublier le désastre. « Nous imaginons que nous sommes beaucoup invisiblement. Nous sommes des rêveurs, des rêveuses. Nous ne savons pas si c’est péjoratif. Nous avançons par les à-coups que notre peine transmute en colère pour nous soulager. »

La sidération transforme ma marche. J’aimerais écrire même pas peur. Je croise des personnes, je me demande lesquelles se réjouissent des résultats de la veille, j’opère une première statistique. Maigre réconfort devant les résultats du 10ème.

Elle répond que ça va mais entendre que ce n’est pas vrai. Il n’y a pas la même lumière que d’habitude dans son regard. Elle me dit ce qui l’attend, son inquiétude, son découragement,  je ne sais que la serrer fort, lui rappeler qu’elle est une guerrière, j’aurais voulu la rassurer davantage. 

Il est trop monumental, il parle trop fort, je sais que c’est sale type, qu’il est violent. Je l’évite quand je peux. Dans le rêve il me demande quand je vais enfin changer d’attitude. Je deviens miel, gentille, je ne sais plus pourquoi j’ai cédé. Dégoût. Revenir au réel, soulagement de ne pas m’être compromise.

Le silence de l’atelier est trop intense malgré la présence des stagiaires. J’entreprends d’écouter le podcast de Cerno dont Anne me parle depuis des années. Les lieux et leurs fantômes. Ça m’inspire de raconter à L et M l’appartement de ma grand mère, en quelques minutes je leur résume Corbera et ça m’anime complètement. 

Maintenant il y a de l’espoir. 

Message de Nathalie, Tu vas à la manif ? Je n’y avais pas pensé, à cause de la fatigue qui s’accumule encore, mais ça me semble soudain une évidence. Nous nous retrouvons au Chansonnier, Magali est de la partie, nous descendons le canal, nous partageons l’élan. Sur la place on cherche des visages amis. La jeunesse est partout. Dans la soirée, sur les réseaux, reconnaître les banderoles et les slogans, nous y étions ensemble, alors ? 

Publié par

caroline diaz

https://lesheurescreuses.net/

Une réflexion sur “nous sommes des rêveurs, des rêveuses”

Laisser un commentaire