

Nous sommes allés dimanche rue de l’Assomption pour participer à l’assemblée générale de L’aiR Nu. Le seizième c’est à l’opposé de chez nous, on a une certaine tendance à le bouder, il traîne sa mauvaise réputation de beau quartier — il n’y a pas de vie, on s’y ennuierai ferme, je n’y ai aucun souvenir, à part avoir été au Ranelagh avec mon ami Arnold dans les années quatre-vingt, sans même être certaine d’y être entrée. Le temps est beau, nous prenons de l’avance pour jeter un œil au théâtre du Ranelagh (loupé parce que nous pensions le trouver rue du Ranelagh et qu’il se cache dans une rue perpendiculaire) et rejoindre l’île aux Cygnes. Nous contournons la Maison de la Radio, tu me racontes la voix des acteurs qui emplit soudainement l’espace du studio où on enregistre ta création pour Les passagers de la nuit. Sur l’île aux Cygnes, on croise les coureurs, les familles, les couples qui déambulent en lent va et vient puisque l’île ne conduit nulle part. Nous remontons sur le pont de Grenelle pour rejoindre le collectif rue de l’Assomption, je n’avais pas imaginé que la rue était aussi longue, j’avais oublié que nous allions au 72, ce qui veut dire s’éloigner de la Seine. Nous pressons le pas, mais on s’arrête devant l’immeuble où Perec a vécu. Au 72, j’oublie de photographier le damier noir et blanc de la volée de marches qui nous conduit vers la chambre où nous attendent nos ami.es. Après les échanges et les votes, l’exploration des murs de la chambre, nous partons tous ensemble pour une petite boucle dans le quartier, empruntant d’abord l’allée Mallet Stevens. L’atelier Martel, l’écorce rouge d’un séquoia, le jaune mimosa des stores métalliques, les fétiches alignés derrière la fenêtre, la propriété privée qui ferme la rue, en réalité une impasse. Nous ressortons, empruntons d’autre rues, celle du docteur Blanche, celle de La fontaine, Mozart. On voudrait pouvoir pousser la porte de l’hôtel Mezzara que nous avons visité virtuellement tout à l’heure au 72, l’endroit paraît endormi, sous l’emprise d’un sortilège. Nos corps se rejoignent le temps de conversations hachées, s’éloignent pour photographier ou commenter un détail architectural. Un soupirail, une mosaïque, des briques, des lambrequins, un hall d’immeuble, des fenêtres qui projettent leurs reflets lumineux sur une façade. Nous nous quittons.


C’est revenu hier soir, alors que je renonçais à finir ces notes, ce qui me liait à ce quartier. J’avais après mon bac pris quelques cours de dessin avec une peintre, elle était prix de Rome, on n’a pas le prix de Rome, on l’est. J’ignore d’où ma mère tenait ce contact, et avec quel argent les cours ont été payés. Je me souviens parfaitement du corps allongé de la peintre, de ces cheveux bruns et de son visage maigre. Que j’exécutais au crayon une nature morte de poupées anciennes, que j’avais réussi le modelé de leurs joues de porcelaine, tandis qu’une autre élève plus âgée travaillait un portrait à l’huile, d’après un maître italien. Je me souviens des tons bleus des glacis qui devraient restituer la transparence de la peau. C’était peut-être bien avenue Mozart.











