
Le journal s’écrit à la hâte. Marseille. M’y sentir toujours plus liée à force d’arpentages, d’inscrire toujours plus mon corps dans la ville. M’y sentir liée mais pas suffisament pour renoncer aux rituelles traversées d’Endoume et Plaine, à la virée plage du Prophète, aux cantines fétiches, pas suffisament pour avoir la volonté de m’y perdre. On a cependant découvert le sentier douanier de la Côte Bleue. Sur la carte SD, des pins surexposés, la mer saturée de soleil, des roches et des ponts. Traversant le passage souterrain de la gare de l’Estaque avec Alice, penser à Chawton, à ce couloir du temps dont ne trouvions plus l’entrée au retour.


M’être davantage consacrée à lire et écrire, c’était inattendu et rassurant. J’ai fini bien à propos par Éloge des fins heureuses de Coline Pierré que j’ai trouvé tellement réjouissant. Lecture qui m’a d’ailleurs poussée à réécrire une scène du projet pour la Marelle : un personnage devient féminin, et c’est toute l’atmosphère de la scène qui est transformée. Des Elles au pluriel, ça change la forme des gestes, l’énergie d’une séquence.


Quitter Marseille et trouver ça brutal. Marcher. Retrouver Agnès et Delphine, projeter une semaine en septembre dans un atelier de gravure. Rencontrer la mélancolie d’Edi Dubien au Musée de la Chasse et de la Nature.
Suzanne Valadon à Beauboug, lui trouver une ressemblance avec Nina d’abord dans un autoportrait dessiné à la sanguine, puis sur une de ses photographies. Devant un de ses paysages — sans doute celui qui me touche le plus, je la trouve meilleure portraitiste, et l’usage du cerne noir finit par me lasser — je pense à un tableau précis de mon grand-père. Se dire que ces deux là auraient bien pu se croiser, malgré la grande différence d’âge.


Depuis Nice, peut-être d’avoir vu autant d’avions traverser le ciel, je suis obsédée par Lindberg, la chanson de Robert Charlebois. En vérifiant la date de sa sortie,1968, j’imagine que forcément mon père a écouté et aimé cette chanson, alors qu’il venait de quitter le Québec pour l’Algérie. Écrire la description d’un trajet depuis l’aéroport d’Alger à une villa sur la côte vers Zéralda, avoir l’impression de comprendre quelque chose de la ville, je prendrais quand même la précaution de faire relire l’itinéraire à une amie Algéroise.
La perspective de passer le mois d’août à la villa Deroze me fait déjà rêver. Découvrant des images inédites du lieu je sais bien qu’il me sera impossible de seulement écrire. Je pense déjà photographie, cyanotype, travail sur le motif. Une scène du projet devrait s’y dérouler. J’achète nos billets de train.






























































