arrivée Villa Deroze

À l’heure d’écrire le journal, je suis à La Ciotat, dans un quartier excentré sur les hauteurs de la ville, en résidence à La Marelle, Villa Deroze. J’écris ces mots avec une grande joie — mêlée de stupeur. Cela fait presque un an que la chose a été actée, mais il n’y a rien à voir entre imaginer une situation et la vivre. J’ai eu le temps d’en rêver, d’anticiper, de me représenter les jours passés ici. Mais maintenant que nous y sommes — Philippe et moi, pour un mois — c’est tout autre chose : c’est concret, vibrant. Ici, nous travaillerons sur le projet Autour. Mais j’ai aussi apporté un appareil photo argentique, un appareil numérique, et de quoi réaliser des cyanotypes. Je continuerai à suivre l’atelier d’écriture de François, ce qui fera ressurgir, inévitablement, Corbera. J’accepte toutes les surprises qui se présenteront.

Mais avant cela, il y a eu quelques jours passés en Bretagne, où j’ai accompagné Fumie chez notre amie commune, P. Où j’ai découvert les rochers sculptés de l’abbé Fouré. Où D est venu me retrouver sur la plage du Sillon, où nous avons déjeuné, parlé et marché durant des heures, comme le font les vieux amis. Où j’ai visité la maison-atelier d’Yvonne Jean-Haffen, sur les bords de la Rance à Dinan. Puis, les jambes coupées par la fièvre, K.-O. juste avant le départ.

Et puis Marseille si proche en TGV, correspondance pour La Ciotat. Une jeune femme s’asseoit face à moi, elle est montée dans le TER en courant, elle est là, essoufflée, l’entendre chercher son souffle m’épuise. Le jeune homme à côté duquel elle s’est assise, comme pour la calmer, au moins, tu ne l’as pas loupé. J’aurais préféré, répond-elle. En descendant du train, je suis tellement curieuse de la maison que j’oublie de penser à la scène mythique des frères Lumière. Dédale de béton gorgé de chaleur et Sarah souriante à l’arrivée, qui nous conduit jusqu’à la Villa Deroze. La maison est un peu cachée, derrière les pins et les cyprès. Sarah pousse les portes, ouvre les volets, ménage les surprises, nous finissons par l’atelier de Gilbert Deroze où s’alignent, posées sur des étagères le long des murs, plus de quatre-vingt figures en pierres sculptées.

La maison est incroyable, par certains aspects me rappelle Erbalunga. La première chose que je cherche à comprendre, c’est comment le soleil tourne autour. J’envisage d’être la préposée aux volets roulants et courants d’air. Dans la nuit, une porte s’obstine à claquer, les volets hoquètent sous l’effet des courants d’air. Je sens tout l’espace qui se déploie autour de nous. Dès le premier réveil, je devine l’aurore à travers les perforations des volets, je suis montée à l’étage supérieur photographier le ciel. Je sens que le temps ici va changer d’épaisseur — qu’il va perdre sa linéarité, s’élargir.

Nous décidons de descendre voir la mer, d’approcher la ville. Je devrais me méfier de Philippe, de ses premières marches exhaustives. C’est plus fort que lui. Nous rentrons un peu fatigués par les huit kilomètres sous le soleil, nous promettant de faire un peu plus attention la prochaine fois à l’horaire de départ et à trouver un itinéraire plus ombragé. Je retourne visiter l’atelier, observant les visages de pierre. Une semaine prise comme dans une boucle, dans la contemplation lente et répétée de tous ces visages sculptés.

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caroline diaz

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7 commentaires sur “arrivée Villa Deroze”

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