
Au retour de Corse, une nuit à Paris et reprendre la route avec Agnès pour rejoindre Delphine. La route déserte et joyeuse. S’émerveiller de la traversée du Massif central, se dire qu’on pourrait se retrouver là une prochaine fois, alors que pour mille raisons obscures je n’ai jamais réussi à y séjourner. Halte à Millau pour attraper Delphine, attaque de moustiques, l’arrivée aux Vignes. La saveur d’une tarte préparée à notre attention, la joie du dortoir, le chevreuil qui nous regarde avant de s’élancer entre les arbres, le loir qu’on dérange.
C’est la première fois que nous nous retrouvons avec le projet de faire ensemble, ce que nous avons fait du temps où nous travaillions pour C (je ne compte plus). Je n’ai pas apporté de projet précis, je veux juste faire, expérimenter, j’ai apporté six images et différents papiers. On prépare les solutions, on coupe et on enduit les papiers, on remplit des bassines d’eau, on se lance sans la moindre hésitation.


Les bleus se révèlent sous le soleil.
Chaque jour on expérimente, on apprend. On s’émerveille de l’intensité révélée par l’eau oxygénée. Je tente des virages au café. On oublie de manger. Je n’ai préparé que six images et je fais avec, je superpose, retourne, bouge, j’efface au bicarbonate, je ne sais pas où je vais et c’est très agréable. L’excitation monte, je chante parfois à tue tête, nous rions beaucoup, nous sommes impressionnées par cette facilité à faire, ensemble.
Le temps tourne, on ne fera plus de tirages aujourd’hui, ça nous donne l’élan pour une baignade dans le Tarn. Dans l’eau une sensation de fraîcheur pour la première fois de l’été. J’avais oublié la douceur de la rivière. Sur un rocher, se moquant des présences autour, l’enfant chante du yaourt en se dandinant, nos regards se croisent, il continue joyeusement.


Les papillons de nuit. Les escaliers moussus, son reflet dans le miroir, nos lits de Boucle d’or. La prairie. Le reflet du ciel et des feuillages dans les fenêtres, me reviennent ces quelques mots de La recherche, lorsque le narrateur est invité chez Gilberte, qu’il patiente dans un petit salon que commençait déjà à faire rêver l’après midi bleu de ses fenêtres.



Je photographie la route à la volée, hormis pour la baignade nous n’avons pas bougé du Maynial. On dépose Delphine à Millau, on traîne un peu, on se refuse au départ. Au retour, il y a plus de monde sur la route, il fait chaud, avec Agnès on essaye de soutenir notre conversation. L’instant du retour où nous entrons dans Paris, où elle reprend sa superbe, où elle vibre encore d’une lumière estivale, où les cyclistes sont rois, où on imagine encore la mer au bout de la rue.

En ouvrant le carton à dessin, je suis impressionnée par la masse produite durant ces quatre jours. Je voudrais préserver l’élan. Les filles à la maison et la joie des retrouvailles. La manière dont chacune reprend sa place. Après le déjeuner avec M-C, nous nous égarons avec Alice et Nina dans les rayons vides du BHV, et achetons une machine à pâtes.
Je commence enfin, je l’ai attendu longtemps, Archipels, le dernier livre d’Hélène Gaudy. Philippe me fait remarquer que je lis doucement, c’est comme ça que je veux y entrer, chaque phrase récompense mon attente.
« Sans doute cet effacement dont les enfants sont responsables est il aussi l’un des moteurs qui les attachent, plus tard, aux souvenirs, et qui parfois les poussent, une fois adultes et repentants, à tenter de sauver ce qui a echappé à leur appétit d’ogre. », Hélène Gaudy, Archipels


Que c’est beau, ces cyanotypes qui sèchent comme du linge sur le fil !
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à notre tour de nous émerveiller
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le bleu, les papillons, la rivière, la lenteur…
la douceur de te lire
merci Caroline
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le bleu et Hélène Gaudy, émerveillement partagé face au livre et au bleu, le bleu des lointains de François Place
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