
C’était la première marche depuis notre retour à Paris. Reprendre goût à la ville dans les percées de rues, mâcher les lumières crues de fin d’été, sentir dès que marchant dans l’ombre une certaine fraîcheur. Le corps cherche à nouveau ses repères dans la cadence des trottoirs, entre les façades qui reflètent le soleil.


Je n’ai plus peur des araignées, Nina m’a raconté qu’on aurait en moyenne dix araignées autour de soi, invisibles. L’idée me plaît de savoir toutes ces petites gardiennes silencieuses près de moi. Elles veillent sur nous et nous n’y pensons jamais.
Je traverse un tiers du pays en train pour retrouver Delphine au Puy-en-Velay. De là nous continuerons ensemble en voiture, à nous enfoncer au milieu de nulle part. Aux abords de la gare de Saint-Étienne, deux cyprès, je me surprends à ne pas les aimer. J’ai longtemps cru pourtant que j’aimais les cyprès, mais là, rien à faire, je ne vois que leur raideur, le désaccord avec le gris de la gare. J’aime les cyprès lorsqu’ils se plient à la courbe d’une colline, lorsqu’ils se distinguent parmi d’autres arbres, silhouettes noires dans l’éblouissement. J’aime les cyprès en Italie, rangés à l’entrée des cimetières. Ce que j’aime dans les cyprès c’est le sud.

La montée se fait lentement avant d’arriver au village. Le paysage s’ouvre, des forêts de conifères, des champs qui s’étirent à mesure que l’on avance. À l’avant de la voiture la sensation de découverte qui saisit, arrivant dans un lieu dont je ne m’étais jamais fait aucune représentation, dont je ne possédais aucune image, aucun souvenir préalable, et se laisser surprendre par ce qui vient.
La maison est dans son jus. Tapisseries désuètes, portes vitrées, meubles lourds. Ma chambre minuscule et sa porte accordéon que j’aurais adoré enfant. Nous sommes là pour graver, sans doute nous irons marcher un peu. Nous sommes au pied du Mont Mezenc, et c’est justement l’anniversaire de Juliette. Nous faisons un rapide tour de village, les murs austères, le silence des rues désertes, les jardins proprets.


Dans l’atelier, après avoir pataugé avec la presse toute la matinée et sollicité notre hôte pour la régler, on s’étonne joyeusement d’être là. De ne pas compter le temps. Nos doigts s’encrent, on s’interroge ensemble. Je me confronte encore à mon manque de méthode, mais je le justifie, comme toujours, par un désir de liberté. Chercher, se tromper, laisser une forme apparaître par surprise, penser aux araignées qui se cachent dans les angles, invisibles mais présentes.












