la sensation de l’effort

Photographier les visages des médaillons funéraires, sans savoir ce que j’en ferais, il n’y a bien qu’avec la photographie que je pratique la collecte. Je reste médusée devant trois quatrains gravés sur la tombe d’une adolescente. L’enfant a tragiquement disparu dans l’incendie qui ravagea le collège Pailleron en février 1973. Le poème c’est elle qui l’a écrit, qui évoque la fuite du temps et la mort.

Reprendre le chemin de l’atelier d’écriture, retrouver la sensation de l’effort, douter. Les poches vides.

Déjeuner avec l’équipe des Arquebusiers, je rencontre Eric, charismatique et amoureux de Kafka. Il raconte son parcours, les difficultés à l’école, la rencontre, le départ au Brésil. On se demande si nous pourrions quitter la ville, je m’interroge sur le départ de ma mère dans le Cotentin, il pense que c’était à la mode de partir dans ces années là, je crois qu’elle recherchait quelque chose de perdu, l’idée qu’elle se faisait du village.

Retour à l’usine. Je lui raconte mon lien au quartier. Ma grand-mère postière, ma tante directrice de la maternelle, mon arrivée il y a vingt-cinq ans, le hasard. Nous partageons l’attachement à l’usine, à comprendre la fabrication, nous passons plus de deux heures à traverser les ateliers, à observer les machines. L’une d’elles est comme un immense serpent où le papier subit de multiples transformations. Je m’imagine travailler là, avec les équipes autour. Je crois que le travail en équipe me manque.

Je n’ai pas compris le déroulé des faits, j’essayais de joindre Philippe avant de traverser la rue de Rivoli, au moment ou il décroche ce que je veux lui dire m’échappe, un homme vient de s’effondrer sur la route, prisonnier de sa moto.

La petite fille avait une clé pour ouvrir la grille de la Chapelle Saint-Louis, c’était insolite comme une scène de conte, et une image surréaliste s’est figée dans mon esprit, une clé immense dans la main d’une fillette.

C’est toujours dans le dernier rêve qu’elle apparaît, sans doute le dernier rêve est le seul dont je me souvienne. Nous étions cette fois dans une ville recomposée, c’était à la fois Marseille et Bastia, j’écris qu’elle apparait, mais elle est absente, et dans le rêve je demande où elle est.

détester les résolutions (à l’infinitif)

Passer la semaine à se demander quel jour on est. Lire d’une traite Le temps est une mère (Ocean Vuaong), entamer Riprap (Gary Snyder) et les Écrits fantômes (Vincent Platini). Se redonner de l’élan.

Consacrer une journée au travail, départ plus matinal qu’à l’habitude, s’émerveiller d’une aurore flamboyante. Déjeuner avec Nina.

Se laver les cheveux, penser à ma mère qui apprécierait certainement ma nouvelle coupe. Redouter mon anniversaire, avoir des souvenirs précis d’elle à mon âge.

Croiser les regards des modèles de Julia Margaret Cameron. Manger comme au Japon. Insomnier.

Croiser une jeune fille de notre immeuble qui déménage, ses toiles prêtes à monter dans le camion retournées contre le mur, se dire que décidément on ne connaît pas ses voisins.

Finir le montage de novembre pour le journal vidéo à quatre voix. Aller au Bal, trouver porte close, s’agacer. Fabriquer un cadeau de nouvel an. Finir le premier fragment pour le projet Méditerranée. Détester les résolutions et pourtant imaginer reprendre Autour.