wait and see

L’accès au littoral interdit, les maisons repliées sur elles-mêmes, cachées, les voitures de police ou de services de sécurité sillonnent les routes sur lesquelles nous sommes condamnés à marcher. L’exploration de Saint-Jean-Cap-Ferrat nous laisse frustrés, mais toujours la lumière inouïe à travers les pins parasols. Dernier dîner avec Nina et E.

La journée devant nous, on parcourt la ville, attirés par la mer, nous faisons semblant de nous laisser surprendre par les vagues. Appel de mon cousin, il a retrouvé une archive 16mm, il lui semble que ça a un lien avec mon père. Le soir la voix de Juliette, fébrilité et joie de l’entendre lire cet extrait de Comanche.

Mon cousin passe me confier le film, conversation rapide, deux, trois souvenirs, le café, sa voix, il repart, j’enferme ma mélancolie dans cette phrase prononcée à voix haute — c’est fou il ressemble de plus en plus à son père. En réalité je ne suis pas sûre que ce soit vrai. Le soir en regardant le film à la loupe je reconnais mon père, ou plutôt l’implantation de ses cheveux, regrette qu’il n’y ait pas de piste sonore sur le 16mm.

Café (Perrier/verveine) avec Piero à La Fontaine, toujours ce moment où il annonce ce qu’il va cuisiner le soir, et il s’en va. Le soir Philippe nous montre des extraits d’un film tourné lors d’un été passé dans le Berry, les filles étaient petites, c’est à dire cinq et sept ans, ce qu’on reconnait d’elles aujourd’hui.

Là je peux vous faire une infiltration, pour le reste wait and see. Il prend ma main doucement, marque de l’ongle l’endroit où il va piquer, à la base du poignet, j’ai pris l’aiguille la plus fine, dans deux ou trois jours vous serez soulagée. Aftersun, beauté du cadre, toujours surprenant, au plus près des corps, une fille et son père, larmes retenues.

Dans la nuit un des symptômes évoqué la veille par le rhumato me réveille, je le note pour être plus précise lors du prochain rendez-vous. Main endolorie par l’injection, j’abandonne toute activité sur l’ordinateur pour la journée. La pluie, la nuit, l’insomnie de la veille me font renoncer au Vélib. Prendre le métro est devenu tellement exceptionnel que j’ai l’impression d’en redécouvrir les usages avec stupeur, une jeune fille me propose sa place assise, je ne sais pas bien comment le prendre, je refuse de la manière la plus enjouée possible.

L’air humide a un goût de métal. Elle dit que c’est pas rationnel, que les enfants pris en otage, ceux qui allaient danser ça aurait pu être ses filles, ceux sous les bombes de Gaza, c’est pas pareil, elle répète c’est pas rationnel, je sais, comme une excuse. Mes oreilles bourdonnent. Les mots me font peur, chaque jour un peu plus, il faudrait sortir, et marcher, écouter le vent qui se lève.

La lecture de Juliette c’est ici.

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caroline diaz

https://lesheurescreuses.net/

3 commentaires sur “wait and see”

  1. tout est bouleversé… et ceci qui est raconté dans le métro… a-t-on perdu la perception de son corps à force de refuge intérieur
    les mains également… je connais une forme d’arthrose dès qu’il fait humide, la douleur criante… la photographie des mains aux veines de feuillages…
    tout est si beau, traversant…

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