ici

Nous décidons de rejoindre la plage du moulin à la nage, plongeons depuis les rochers, quelques brasses, la décharge électrique, je crie, la douleur et la colère inutile. Sur le trajet retour croiser d’autres méduses, je crie pour conjurer la peur de me faire piquer encore, aisselle, clavicule, poitrine, elle ne m’a pas loupé.

Les chênes verts ont été élagués, on découvre des toitures, la statuette dressée devant l’église de Lavasina, des virages soulignés par le balai des phares la nuit. Ici la nuit tombe vite, savoir que les jours commencent déjà à raccourcir me rend un peu mélancolique, se dire que la nuit est plus douce à la terre me console.

J’explore la bibliothèque du premier, je ne retrouve pas le livre que je cherchais, il y a par contre un très vieil exemplaire du Docteur Jivago. Je crois que ma mère l’adorait, nous avions vu le film ensemble durant l’été 83, et je me souviens de sa passion pour Omar Sharif. En lisant les premières lignes du livre, je suis frappée par la scène d’ouverture, l’enterrement de la mère. Ici, à quelques kilomètres du cimetière où est enterrée la mienne elle résonne étrangement.

Ici j’échappe au reste du monde, pourtant vite rattrapée par les images insoutenables, les commentaires autour du meurtre de Nahel. La mort du jeune homme déjà balayée par des réticences, des parades, des c’est compliqué. Tristesse.

Le ciel s’éclaire déjà bien que le soleil ne soit pas encore levé, je filme la lumière du phare de Pianosa à l’horizon, l’appareil peine à faire le point, ça produit une lente pulsation lumineuse, net, flou, net, flou, je sature ma carte mémoire de cette hésitation. Ugo m’attend devant la maison de Valérie, nous filons au village, discussion enjouée face à la mer. D’avoir été assise ici même il y a un mois avec Philippe me donne un instant l’illusion que je vis ici.

Nous nous décidons pour le petit restaurant ouvert dans la ruelle, temps incertain. Il pleut, le patron nous fait entrer dans la salle minuscule, la soirée dérape joyeusement, nous chantons, je tente d’expliquer à une inconnue en quoi je suis corse, l’horizon se charge d’éclairs que je n’arrive ni à photographier ni à filmer.

Le temps se précipite, je mesure à chaque voyage comme je me sens de plus en plus liée à ce territoire. Je fais déjà l’inventaire des chênes coupés, des mouvement de vagues, de la forme des nuages, des disparitions/apparitions d’Elbe, des photographies que je n’ai pas prises. L’impression que le texte ne s’écrit pas, les mots rassurants de Philippe, ça infuse j’en suis sûr.

Publié par

Avatar de Inconnu

caroline diaz

https://lesheurescreuses.net/

Laisser un commentaire