
Réécrire Comanche me fait renoncer à des paragraphes entiers, je pensais que ce serait plus difficile. Je renonce à certaines photographies aussi, qu’importe elles sont à moi désormais, enfin elles font partie de mon histoire. Parfois je me demande ce qu’il y aura au bout, ça me donne envie de précipiter l’écriture mais il y a toujours des zones de résistances, et la peur qui me rattrape.
Sur le bras du canapé mon vieil iPhone branché depuis des jours, sa batterie ne se recharge plus. Je ne me résous pas à le débrancher, c’est mon premier carnet, avec lui que tout a commencé, il ne faisait plus fonction de téléphone depuis longtemps, j’utilisais seulement l’application notes — écrire à la lueur de l’écran quand la nuit mes fantômes me réveillaient. J’essaie de faire l’inventaire de ce qu’il contenait. Des photos. L’enregistrement de Delorme — je m’étais heureusement envoyé le mp3 par mail. Dans Notes la liste des mots de mon abécédaire, des mots relevés au cours de lectures, des bribes d’entretiens avec Claude, avec Delorme, avec mon cousin. Il est sympa, il me lâche quand j’entreprends la publication de Comanche sur le blog, quand j’utilise désormais un vieux Mac, quand je me donne un temps pour écrire, que je n’ai plus l’impression de voler.


Entre deux sommeils je pense à mon père, ça glisse vers le texte en cours, surprise de sentir mes poumons légers, la gorge libre, l’apaisement.
J’écris dans l’après-midi, la nuit me surprend, avant de sortir j’ai la tentation de laisser une lampe allumée, ce que faisait toujours ma mère, petite ça m’agaçait, une dépense inutile, alors qu’elle était toujours à emprunter de l’argent à droite à gauche pour boucler le mois, et cette lumière qui restait allumée pour rien, là que finit un des jours les plus courts de l’année je vois bien le réconfort que ce serait de trouver la lumière orangée au retour.


Flotter à l’étroit, drôle de sensation. L’appel de Charlotte, elle ne m’oublie pas, Mais là c’est vraiment une période merde, je retrouve dans sa voix l’énergie, la drôlerie dont me souvenais, elle a plus de quatre-vingts ans, ça donne une légèreté à la journée.
À l’écran Célia Cruz, elle chante, elle danse, il y a ce geste de la main, sa façon de caresser l’air, c’est plus qu’une caresse, sa paume contre une masse invisible, elle danse en se pinçant les lèvres dans un sourire, je me souviens de ces mêmes gestes de ma mère quand elle dansait — qui me semblaient tout à fait naturels, observés chez d’autres corps dansants — que j’essayais de reproduire, mais ce n’était pas ma danse.

Avant de me coucher je fais le tour de la pièce du regard, dans la lumière électrique et le silence le désordre apparait violemment, chaque surface encombrée, des plantes fatiguées, des vêtements, la boite des archives Comanche — ouverte, des livres — partout, une barrette, les verres du diner, des revues, des DVD, des sacs, de la poussière, demain il faudrait soulager les meubles, repousser le temps qui s’écrase.

La lumière dans la nuit, enfin tu sembles l’avoir trouvée.
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si beau (et zut pour les appareils)
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