la mer finit toujours par nous appeler

Recevoir le sms de mon amie L, je suis chez ma maman, comprendre que le père est mort, à revenir toujours dans les lieux d’enfance, prendre le risque de ces douleurs quand ceux là nous quittent, qui avaient eu la parole douce et juste, qu’on aimait en secret comme d’autres pères possibles, entendre encore sa voix rocailleuse, l’accent italien qu’il n’a jamais perdu, l’an dernier l’apercevoir au couchant, main dans la main avec sa femme. N est arrivée, deux heures plus tôt qu’annoncé, je voulais te faire la surprise, elle a porté sa valise dans la rue pour que le bruit des roulettes ne donne pas l’alerte.

La lune fragile, comme un décor de carton pâte au dessus de la côte au loin, croissant orange secoué par les vagues, la nuit noire autour, on y va ? sur la plage une lumière vacillante qui avance, presque inquiétante jusqu’à comprendre que c’est une femme qui promène son chien, les constellations encore.

Rêves récurrents de trains manqués. La première fois c’est P qui traîne, ralentit toutes les actions d’avant départ comme s’il voulait vraiment qu’on le rate ce train, je n’arrive pas à m’imposer, dire là il faudrait vraiment qu’on y aille, je me réveille oppressée. La deuxième fois c’est l’agent du guichet qui refuse de me vendre un billet, je me réveille en nage, me demande quel est ce train qui se refuse.

Nous partons avec N, envie d’aller voir de plus près la mare de Bouillon, nous marchons au pied de la falaise, prenons une route en espérant qu’il y aura bien à un moment à travers champs un sentier pour rejoindre la mare, ne pas oser, se résoudre à rebrousser chemin, prendre la route principale, voir A surgir et nous dire qu’elle vient de la voie indiquée sur le plan, qu’on ne verra pas la mare, qu’elle n’est pas accessible, le temps tourne, le café trop rapide, le ciel menaçant nous pousse à rentrer.

Avec P nous quittons le bourg vers le sud, trouvons une jolie route de campagne, un peu de lumière perce, au loin je crois reconnaître la départementale, nous finissons par la rejoindre, à cet endroit pas de trottoir, couper à travers champs, retrouver le sentier littoral, entre les deux cabanes, le Mont au lointain, vertige à flanc de falaise.

Rituel quotidien, aller voir la mer, une, deux trois fois par jour, cette fois je croise AH, entamons une longue conversation, on évoque une ancienne figure de l’avenue, elle m’apprend que son mari a disparu pendant les bombardements à Caen, c’est là qu’elle a commencé à trembler, on se raconte nos explorations de lande et de campagne depuis l’enfance, comment la mer finit toujours par nous appeler.

Publié par

caroline diaz

https://lesheurescreuses.net/

2 réflexions au sujet de “la mer finit toujours par nous appeler”

  1. Tu as de ces titres qui appellent, même si au départ on s’était dit non, pas le temps, ou alors un seul… Début si émouvant, et toujours ce ton juste, et les photos bien sûr. Beau ! Merci.

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