une transmission s’opère

La femme roule entre ses doigts les perles de son chapelet, de ce geste je ne retiens que le réconfort de la douceur du bois sous les doigts.

La brume de l’arrosage automatique flotte devant les feuillages, en faisant le cadre pour filmer son mouvement je m’aperçois qu’il n’y a pas de carte SD dans l’appareil. Je fais l’inventaire des photos que j’ai cru prendre avant de les oublier : la femme à la robe colorée, les deux hommes qui faisaient glisser un canapé vers leur campement au bord du canal, la lumière qui traverse un bouquet de fleurs en papier.

Les avions de chasse passent au dessus du local rue de Charonne, je n’ai jamais gouté les cérémonies du 14 juillet, mais je me surprends à apprécier le bruit des moteurs, ça me fait sourire de devoir ça à Comanche.

Nina me rejoins à l’atelier, elle plonge dans mes boîtes de tissus, découpe les minuscules carrés qui seront destinés à la confection d’un patchwork, une transmission s’opère.

Le type au téléphone dit qu’ici on peut avoir les quatre saisons en une minute, je me demande un instant s’il parle de musique ou de météorologie.

Nous marchons jusqu’au Pré-Saint-Gervais. Pour franchir le périphérique nous empruntons un bref tunnel qui me rappelle la visite chez Jane Austen, un passage entre deux mondes, deux temporalités. Je pense à Clo qui a vécu ici. Alors que j’hésite à photographier un chat j’entends un père donner mille recommandations inquiétantes aux parents du copain qui emmènent son fils en vacances.

Échanges avec B de l’atelier du Tiers livre, « il y a des mots qui viennent de chez toi et qui ont résonné à la lecture de Comanche : Cherchell Zeralda l’aviateur le cimetière d’Ivry cités sans source et sans autorisation », me vient l’image d’un rejet, au sens botanique, la figure de l’aviateur du cimetière d’Ivry qui ressurgit ailleurs, je crois que rien ne me fait plus plaisir.