
À l’heure du journal je suis à Lasne, là où j’ai retrouvé la sœur de mon père il y a cinq ans. La fonction souvenir de Facebook n’a pas manqué de me le rappeler, faisant ressurgir cette semaine les premières publications avec les photos de mon père. L’histoire réinventée, assimilée, l’amour tissé, quelque chose entre le pardon et la douceur, s’étonner comme aujourd’hui tout est calme. De la semaine ne retenir que la terrasse de l’East Bunker où Slimane va me rejoindre. Je n’aime pas être la première à un rendez-vous, devoir choisir entre l’ombre et le soleil. Je pense à notre première rencontre, ma fébrilité, ma confusion, aux photos que Slimane a apportées, qui se recourbent sous une trop grande lumière. Plusieurs années se sont écoulées, pourtant l’impression que c’était hier. Je le reconnais cette fois sans aucune hésitation. Alors comment tu vas ? Nous parlons de l’Algérie, de la possibilité d’un voyage, il faut aller à Djanet. Il me répète quelques trucs sur mon père, les costumes clair, la rigueur et l’humour, il aurait vécu longtemps s’il n’y avait pas eu l’accident, parce qu’il était cool, détendu. Il regrette de n’avoir pas trouvé le rapport sur l’accident. Je lui tends Comanche, il aime bien le titre, c’était son avion préféré, il était pas fait pour la voltige, mais ton père il en faisait ce qu’il veut. Il prévoit quelques rencontres, auxquelles je pourrais me joindre, j’acquiesce, mais je sais que j’en ai fini avec l’enquête, si je devais avoir de nouvelles révélations ce serait par hasard. C’est un moment normal, presque joyeux, débarrassé de la fatigue et de la fragilité qui m’écrasaient au moment où je l’ai rencontré pour la première fois. Je suis à Lasne, et ma cousine Dodo me demande si, quand même, je ne voudrais pas rouvrir une boîte de photographies.

