
Les échanges avec Philippe Liotard, notre rapport aux signes, aux dates, le trouble que ça génère, une deuxième visite au musée de la vie Romantique pour revoir les peintures de Françoise Pétrovitch, les retrouvailles avec Agnès et Delphine, l’intensité, ces moments de bascule que la vie nous offre, la force que j’y puise.
Malgré ma difficulté à faire le vide je dois bien reconnaître que chaque objet, aussi minuscule soit il, qui quitte la maison me donne un peu d’air.


À vélo je suis devenue très prudente, ça n’empêche qu’il m’arrive de doubler celle qui devant roule trop lentement, alors j’imagine des accidents, des terribles, des vols planés, des mâchoires meurtries, impossible de me souvenir si je les imaginais avant la chute de 2020.
Au moment de payer l’addition la jeune fille s’approche avec le terminal de paiement — depuis le covid on ne s’en passe plus. Je demande à payer en espèces, ça me donne l’illusion d’échapper au contrôle, de disparaître un peu, de résister.


La chaleur écrase tout, je photographie la voie ferrée, déserte, sous la lumière crue. Un instant je suis en Amérique, une idée fantasmée de l’Amérique. Je pense à une question posée par ma libraire il y a bien des années, quel était mon endroit préféré dans la ville, peut-être dans le quartier, je ne sais plus ce que j’avais répondu, aujourd’hui je dirais les voies ferrées, et leurs perspectives de départ.

Nous ne nous connaissons pas, elle me donne rendez-vous à la station de tram, je retrouve la timidité et la joie éprouvées pendant les rendez-vous lors de l’enquête, elle n’est pas aussi grande que je l’avais imaginée, elle me propose de venir chez elle, le café auquel elle pensait est fermé et elle n’en connait pas d’autres dans le quartier. Un bureau minuscule devant la fenêtre, c’est là qu’elle écrit, je pense à la table d’écriture de Jane Austen.
Il y a toujours l’appréhension du vestiaire, des sols jonchés de cheveux et choses invisibles auxquelles on préfère ne pas penser, la gêne sous la douche, et puis l’eau, libératrice, sa caresse chlorée, la lumière qui filtre par le toit, la conversation hachée qu’on reprend tous les cent mètres, puis la crampe, se promettre une routine. Dans l’après midi des nouvelles d’Italie, les filles au calme, du bon côté de l’Arno.

