rien du ciel

on avait pris la route vieille, on avançait dans la nuit muette — la chaleur frôlait les buissons — on ne devinait rien du ciel, tout baignait dans une même obscurité — on ne voyait pas les ravins sur les bords mais il y avait quand même le vertige — on ne voyait pas les arbres déracinés ni les rivières — on avait l’impression de forcer la nuit de la soulever comme on soulève un poids mort — la route découvrait ses courbes — les herbes s’arrachaient à la nuit — l’amorce d’un monde — mais on fixait seulement la ligne — on ne sortait pas de la route — la nuit dressait ses murs silencieux, se resserrait autour, à peine retenue par les phares — on enchainait calmement les virages — c’était comme un rêve très lent — dans la nuit épaisse l’odeur du vent faisait remonter des souvenirs — on s’attendait à voir surgir des bêtes sauvages, elles traverseraient l’asphalte leurs pupilles dilatées dans les phares — ou des oiseaux — ou des visages immenses — on finirait par entendre des voix