une sorte de vagabondage

Nous traversons le parc de Belleville pour rentrer, Philippe et Alice disparaissent de mon champ de vision, je m’arrête devant un buisson, les imagine cachés derrière, jusqu’à les apercevoir en bas d’un escalier, je leur avoue en riant que là-haut j’ai parlé au buisson.

Valérie invite la bande sur sa terrasse au septième à L’Haÿ, on joue les prolongations de la semaine corse avec coucher soleil, manque la mer à l’horizon. Rentrer avec la ligne 7 attrapée à Villejuif, à bord le type déguisé en légionnaire, l’anachronisme du portable qu’il tapote et les regards ahuris de ceux qui montent dans le wagon me font sourire.

Commencer le montage vidéo pour Gracia avec qui je participe aux vases communicants en août. Je ne choisis que des plans tournés en Corse, sans doute pour la proximité que j’imagine avec le Liban. Le montage c’est une sorte de vagabondage, je n’ai aucune idée d’où je vais, juste attentive aux lumières, aux matières, progressivement ça s’écrit .

Un utilitaire me double, sur les portes arrières on peut lire GHU PARIS / psychiatrie & neuroscience / intervention & dépannage, je suis interdite, m’interroge sur la nature d’un dépannage psychiatrique.

Sofiane est à Paris, j’espérais le rencontrer — en réalité nous nous connaissons déjà, nous partagions le même berceau quand nos mères passaient du temps ensemble à Alger. Je le vois se disperser aux quatre coins de la ville, pas un musée, pas un monument ne lui échappe, que je découvre en arrière plan des selfies et vidéos postées sur Facebook. Paris n’est peut être pas la ville où nous devons nous rencontrer.

Article sur la Villa Arson dans Libé, noir sur blanc retrouver les paroles de Nina, rassurée que soient rendus publiques harcèlement, humiliation, le malaise et la division, rassurée d’entendre que la direction est à l’œuvre pour un retour à la normalité. Nina a évité les pièges, elle était avertie, mais ça reste effroyable.

Échange avec Piero sur les voitures, suite à publication de son texte dans le Tiers Livre, une négo, une Oldsmobile, ça fait tilt, un des bénéfices secondaires de Comanche, maintenant le nom des bagnoles ça me fait sourire. Je pose ici cette photo prise par mon père, avec celle qu’on appelait Pierrot.

photo Roland Maillard, Montréal, 1965

à la fin il y a un écho

Toujours ce moment d’incertitude en commençant le journal, ça fait rire Philippe, Tu dis toujours ça. Je regarde les photographies de la semaine, tente de me souvenir de ce qui chaque jour a laissé une trace, de samedi je n’ai aucun souvenir, et il n’y a pas d’images.

Partir légers vers Belleville, quelque chose de bancal, c’est dimanche et sous le soleil Nina manque. Dans le square qui longe le parc de grands pins dressés, je me dis que la beauté c’est cet effet de surprise, des pins dans la ville.

À l’atelier je commence sur les chapeaux de roue, F me surprend à tourner la presse un peu vite, Doucement, en soulevant le papier je m’aperçois que je n’avais pas mis la plaque sous presse, je ris de mon impatience.

Je supprime un fragment de Comanche, la première fois en de telles proportions, c’est assez libérateur. Je découvre le bon usage du point, le plaisir des phrases courtes. Les mots simples. Je me sens de plus en plus funambule, j’aime assez même si ça m’empêche de dormir. Ce qui nourrit mes insomnies ce n’est plus sa présence, mais l’envie d’écrire, et le temps que ça prend.

Vider la chambre de Nina avant de peindre, les allers retours photographiques autour des objets que j’hésite à jeter, Ça tu ne voudrais pas t’en débarrasser ? elle me rétorque que l’objet est parfaitement fonctionnel. Je comprends sa résistance, les sacs, les cartons prennent le chemin de la cave — à la fin il y a un écho.

Je retrouve Nathalie au Chansonnier, nous partageons notre détestation de l’hiver, mon envie d’ailleurs, elle évoque mon chez moi, une terre au sud, elle me dit Tu as plein de chez toi, c’est un peu vrai, ces déracinements d’enfance sont autant d’enracinements possibles.